Haïku, qui es-tu ?! Le haïku, quel mystère. Ces trois lignes et sa poignée de syllabes, quel champ d’expérimentation ! Plus je le connais et plus il m’échappe. Comme le haïku se dessine presque au moment où la scène est vécue (la vie d’abord, les mots ensuite…), plein d’éléments subtils entrent en jeu, rebondissent et se collapsent. J’étais au volant tout à l’heure, la radio allumée. Quelques mots capturés au vol entre le hameau et le plan d’eau de Canada : Vie de l’esprit ? ou Vide l’esprit ? sont entrés en collision (pas moi !) avec les bouquets de coquelicots rouges au bord de la route… Est-ce que le haïku était là ? Dans ce mélange de perceptions et de mots saisis ? A Plouy, ce midi, j’ai aperçu par la fenêtre le héron posté sur la maisonnette de la mare. À peine m’a-t-il vue, immobile comme lui et le guettant, qu’il a pris son lent envol… Le haïku était là, dans ce profil à peine entrevu, dans notre mutuelle et muette surprise. Ce que je lis (avec ou sans lunettes) rentre en jeu aussi. Et ce que je sais. Ah, ce que je sais ! Je m’efforce de garder la spontanéité de mes débuts. Tout en étant bien consciente que cet effort fait s’évanouir l’innocente magie du petit poème… Je ne peux pas non plus éviter que ma langue (mes langues !) fourchent et jouent : les mots et leurs dérivés se bousculent et riment, les comparaisons et métaphores affluent. Car comment écrire un poème sans mots ? Mes rêves – dont je perçois mal parfois la limite avec la vraie vie – s’invitent dans la danse. Et le terrible inconscient… Et la fine vie invisible ! Aussi difficile à attraper qu’un papillon, aussi instable et robuste qu’un coquelicot en train de s’ouvrir, voici le haïku ! Facile au début, et de plus en plus difficile… Alors, haïku, qui es-tu ? Un poème qui cherche à dire le mieux possible cette scène qui m’a intimement bouleversée… Expression d’une contradiction permanente et oxygénante, je n’ai pas fini de t’explorer, de te connaître. Comme un être aimé. L’âge de la lune ?… Issa isabel Asúnsolo, octobre 2016 Billet de l'éditrice du 09.10.2016 |